• AlmaN sur KEATON

                Je m'appelle AlmaN, mon nom ne vous dit rien, mon prénom n'ajoutera pas grand-chose à cette méconnaissance, ma vie n'intéressera personne, elle est un peu comme la vôtre, discrète. Je ne vais faire remarquer ma présence sur ce site que pour le nécessaire, dans cet avant propos et par une note méthodo dans l'introduction en Articles BLOG KEATON qui ouvre plusieurs séries à suivre d'articles consacrés uniquement aux textes, titres et photos de KEATON et aussi par une introduction pour la galerie Pictogrammes handicap . Tous les textes des autres pages dans les rubriques Notes KEATON et Pictos KEATON sont écrites par KEATON. Je suis l'intermédiaire de KEATON qu'il/qu'elle soit mort(e) ou vif(ve). Cette personne aurait-elle voulu que je l'affiche ainsi? Pourra-t-elle un jour m'en faire le reproche? Quelqu'un allait bien ouvrir ces caisses jetées sur chaussée et parler un peu de ce qu'elles contenaient.

                Le mois dernier alors que je me promenais en soirée dans le Vieux Lille débouchant de la rue des Tours dans la rue Saint Jacques, j'ai failli trébucher sur trois cartons jetés là sur le trottoir à moitié couverts d’un sac plastique éventré déjà vidé des linges récupérables. J’ai toujours en moi cette curiosité pour ces caisses et ces poches mystères où se cachent des fragments de vie, des petits trésors, un livre, un courrier, un dessin qui a passé trente ans punaisés, oubliés, jaunis sur le mur d’un couloir. J’ai écarté les fringues, le sac plastique, les rabats des cartons et découvert un vrac, des papiers manuscrits de textes aux lignes serrées, des listes, des petits croquis hermétiques et une pagaille de crayons, de feutres, de stylos sans capuche, de DVDs déboîtés, une clef USB 4 gigas ; j’ai pris ce que j’ai pu, mais rien vite vu qui portait un nom que j’aurais pu penser être celui du propriétaire dépouillé de cette mémoire, c’est ainsi que j’ai senti la chose. Un dépouillement, une chair qu’on avait arrachée à une chair.  Cette personne vivait-elle encore ? Était-elle un homme, une femme ? Ce sac avait-il à voir avec ces caisses, ces vêtements étaient-ils à elle ? J’ai rejoint ma voiture, pris la route et chez moi dans mon bureau j'ai feuilleté des pages quasi illisibles tant le trait y est agité. J’ai alors fouillé la mémoire des supports numériques, trois jours sans trop dormir pour balayer des milliers d'images, de lignes de caractères. L’ensemble de ce que j’enquêtais de ma curiosité portait sur ce qu’il m’a d’abord semblé être une recherche illustrée d’un grand nombre de photos à partir d'un pictogramme bien connu qui représente le handicap, de nombreuses citations, des liens vers des sites puis au final, avançant dans cet examen, trouvant d’autres textes d’accompagnement, j’y ai vu une forme d’expression. Sur celui ou celle qui avait produit tout cela, rien. Pas un nom, ni le sien, ni d’autres qui l’auraient connu, pas de photos souvenirs, ni d’agenda ou de carnet d’adresses, pas de numéros de téléphone ou d’adresses mail, pas de courriers, pas d’en-têtes, pas de signature, rien pour lui donner visage que ces étranges portraits dont je me ferai l’écho dans ce site. Ce, ou, cette photographe travaillait à l'évidence sur des portraits tirés de ce pictogramme si présent sur nos places de parkings. Il/elle prenait une photo complète de ce symbole, ainsi qu'un élément de l'environnement pour documenter le ou les portraits qu'il/elle réalisait à ce moment. Certains de ces portraits sont annotés. Tous sont issus de marques peintes sur chaussée, quelques rares le sont sur des murs ou des portes, mais en lien avec le stationnement. J’ai recherché des connections avec ce travail sur internet, j’ai mouliné du Google image, mais rien, aucun référencement de cet auteur. J’ai décidé de trier ce matériel, de le classer, d’en tirer une présentation resserrée sur ce qui m’a paru essentiel, sans l’anecdote du vrac, pour le mettre en ligne dans ce blog KEATON. Pourquoi Keaton ? Il fallait que je trouve un nom, même un auteur anonyme peut être nommé. Je l’ai fait d’un nom qui m’est venu sans y réfléchir, c’est pourtant ce que je m’apprêtais à faire.  Je me suis dit qu’au final c’est le seul que j’aurais pu trouver si j’avais poussé cette réflexion. Ces portraits aux cous tendus, monochromes, impassibles ne seraient-ils pas ce que leur créateur/trice voyait de lui-même. Ne ressentait-il/elle pas cette puissante mélancolie, cette pâleur noircie des traces et des marques surprenantes que la vie nous réserve, ce personnage désemparé qui s’agite seul, oublié de tous ceux qui auraient pu le connaître, si présent à l’instant du reflet, aussitôt disparu, un Keaton sans Buster. Le socle de ce site est mis en place à partir des éléments existants sans apport hors le tri, le classement et cet avant propos complété de courtes notes méthodo (Méthodo AlmaN). Je vais maintenant l’alimenter régulièrement de ces images silencieuses et d’autres annotées. Si cet auteur(e) est parti(e) sur les routes il/elle retrouvera peut-être un jour sur le net un peu de sa substance, s’il/elle n’est plus parmi nous pour l’essentiel il en reste ce fragment.

    AlmaN

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