• Le picto sur chaussée

                Ce pictogramme est omniprésent dans l’espace urbain, mais comme tous ces signes et ces objets qui nous sont habituels on n’y prête plus attention, c’est un code qu’on respecte ou non, qu’on voit sans regarder.  Aujourd’hui dans les parkings,  sur le matériel urbain, les pictogrammes pour faciliter l’accès se multiplient pour distinguer les personnes malentendantes, non voyantes, les femmes enceintes, les familles nombreuses etc. Mais celui qui est probablement le plus sédimenté dans nos inconsciences c’est ce si familier pictogramme d’un humain blanc mêlé à son fauteuil roulant.

                Ce pictogramme est plus ou moins normalisé, pour qu’il soit bien visible, compréhensible sans avoir de réflexions particulières à engager, on s’adresse à nos automatismes.  Mais son graphisme qui mêle l’homme et la chaise roulante a été interprété de mille manières dont certaines donnent au symbole humain des caractéristiques graphiques particulières au niveau du buste/cou/tête. L’exposition sur chaussée soumet ces marques peintes avec ou sans pochoir ou thermocollées, à des mises en œuvre différentes sur des supports variés et elles sont livrées à l’usure de la répétition des passages, le vieillissement des matériaux, aux contraintes climatiques, aux accidents/événements de toutes sortes. L’unique devient multiple.

                Par nature ce pictogramme contient l’idée d’égalité entre les humains, une personne handicapée doit pouvoir circuler dans nos espaces urbains comme tout un chacun, enfin au mieux, mais il contient aussi l’idée des différences qui les distinguent, celles qui peuvent déranger, inquiéter, interroger.

                Quand sans l’observer particulièrement nous voyons dans nos rues une adaptation de ce pictogramme, qu’il soit bleu plutôt que blanc, avec ou sans bras, avec ou sans pied, tête séparée ou collée au buste, cou tendu ou tête en lune, roue alignée au bras ou au cou ou à la jambe, extrémités arrondies ou carrés, lignes parallèles ou non,  chaise et corps séparés, un seul existe au fond de nous, une forme inscrite en nous plutôt que vue, observée, détaillée. A ce moment d’inobservation le symbole joue son rôle qu’on le respecte ou non, c’est le but initial, comprendre au plus vite une situation, une consigne urbaine. Cette image inclue dans nos gênes sociaux ne  permet plus de voir toutes ces différences graphiques issues de ce que l'homme tente de faire, organiser l'unité, la norme, mais produire en même temps de la diversité et de la nouveauté. Nous ne voyons plus ce que nous produisons et ce que notre compagnon le temps complète, nous savons ce que veut dire cette forme allongée sur nos chaussées, mais nous ne la voyons plus, l’enfant lui peut plus naturellement s’y arrêter, s'en amuser, ses gênes ne sont pas encore si solides, il peut voir plus facilement autre chose dans ce personnage qui disparaît dans l’usage urbain.

    KEATON

    Le picto sur chaussée